L’utilisation d’une feuille d’or pour habiller les objets est attestée dès le IIIe millénaire av. J.-C. en Égypte. Parce que l’or est un métal précieux, il est employé pour anoblir des créations. Inoxydable, auréolant les objets (du latin « aurum », or), il permet de les sacraliser. Inaltérable, il est lié à l’éternel, d’où son utilisation dans les objets faisant lien avec le divin et funéraires.
Son caractère ductile – élastique et malléable – lui permet d’être étiré et aplati en très fines feuilles. Les méthodes actuelles permettent d’obtenir, après battage, des feuilles d’une épaisseur d’un micron. On peut ainsi donner à un objet l’apparence de l’or massif, tout en utilisant une quantité infime de métal.
Présentes, autour de la Méditerranée, dans les mondes égyptien, gréco-romain et byzantin, les techniques de dorure à la feuille d’or seront codifiées en Italie, au XVe siècle, par Cennino Cennini dans son Libro dell’arte. Depuis, les doreurs utilisent à peu de variantes près les mêmes préparations et les mêmes outils : coussin, palette, couteau, mouilleux, appuyeux, pierre d’agate.
Cette technique est utilisée pour habiller les bois : cadres, statues, moulures… Elle consiste à appliquer une préparation de colle de peau de lapin et de plâtre (blanc de Meudon, de Bologne, d’Espagne…) sur la surface préalablement nettoyée. Ces nombreuses couches – on en applique jusqu’à 17 sur certaines pièces – ménagent une zone tampon entre le bois et la feuille d’or.
Cet enduit est poncé, réparé (l’étape durant laquelle le plâtre est sculpté) et nettoyé. Puis il est recouvert d’une préparation argileuse : l’assiette, qui clôt les pores du plâtre et qui donne une certaine tonalité à l’or. Le plus souvent, l’assiette est de couleur rouge : on l’aperçoit sous la dorure d’un cadre ancien.
L’objet est alors prêt pour l’étape de la dorure proprement dite. En mouillant la surface, les colles des préparations successives sont réactivées. On peut y déposer la feuille d’or. Une fois l’eau absorbée, la feuille est frottée aux endroits où la surface doit être brillante, à l’aide d’une pierre d’agate. Les parties mates sont recouvertes de colle : c’est le matage. Enfin, l’étape finale, la patine, consiste à appliquer une composition de pigments et de colle, pour éteindre ou allumer l’or.
Cette technique est utilisée sur des supports plus fragiles face à l’humidité : éléments d’architecture, grilles de parc, éléments de faîtage, coupole.
La colle utilisée aujourd’hui n’est plus faite par le doreur lui-même. Cette mixtion peut être à l’eau ou à l’huile. La colle est posée sur une surface préalablement vernie. Pour devenir active, elle a besoin d’un certain temps, qui dépend du type de mixtion et des conditions atmosphériques. Elle est alors dite « amoureuse », c’est à dire à prête recevoir la feuille d’or. Une fois la surface recouverte d’or, elle peut être vernie.
Anne Brun nettoie, sèche et prépare des végétaux qui ont séché sur pied, dans la nature, ou à plat dans un herbier. Elle est attentive à ne les cueillir ni trop tôt, ni trop tard, pour que leur forme demeure stable et leurs accroches solides.
Elle y dépose au pinceau, sur une couche de colle, une feuille d’or à 24 carats, fine et souple. Les échardes d’or en excès, qui n’épousent pas la forme de la plante, sont épousseté à l’« appuyeux » : un pinceau délicat, en petit gris. C’est l’étape du chiquetage.
Les matériaux initiaux d’Anne sont éphémères. Dans la nature, ils disparaîtraient en quelques mois ou en quelques années. Séchés et dorés, ils se conserveront des décennies. Leurs cloches de verre les protègent de la poussière, afin que le métal précieux garde son éclat.